jeudi 17 février 2022 – PGE : une bombe à retardement pour les entreprises ?
J’ai souhaité, au travers la publication de cet article paru dans la presse économique (Entreprendre du groupe Robert Lafont), appeler l’attention de tous les chefs d’entreprise et de leurs conseils sur les nouvelles modalités de remboursement des PGE en vigueur depuis le 15 février 2022, d’une part, sur les conséquences à ne surtout pas négliger des restructurations des crédits bancaires (dont les PGE) pour les banques et pour les entreprises compte tenu des règles européennes, d’autre part.
Afin de renforcer l’accompagnement des entreprises en sortie de crise et de la prévention des difficultés financières, un accord de place a été signé au Ministère de l’économie, le mercredi 19 janvier 2022 en vue de mettre en place pour les entreprises qui en auront besoin,une nouvelle procédure de restructuration de leurs PGE. Elle sera applicable au 15 février 2022.
Elle permettra aux entreprises de bénéficier du maintien de garantie de l’Etat dans la limite de 2 années supplémentaires (4 années par exception). La période initiale des PGE était de 6 ans : soit 2 ans de différé et 4 ans de remboursement. Les nouvelles mesures permettront de porter à 10 ans au maximum la durée totale des PGE, soit avec le différé de 2 ans, un plan de remboursement de 8 ans au maximum (et sinon de 6 ans).
Deux situations et des conséquences communes sont à examiner :
1/ Situation des entreprises ayant bénéficié d’un ou plusieurs PGE d’un montant total inférieur à 50 000 euros : elles doivent saisir la Médiation du crédit auprès de la Banque de France.
La saisine est effectuée sur la plate-forme de la Médiation du crédit. Il revient au chef d’entreprise assisté de son expert-comptable d’effectuer cette saisine.
Dans le cadre de l’accord de place signé, l’entreprise devra obligatoirement produire sur le site une attestation d’expert-comptable ou d’un commissaire aux comptes portant sur les trois points suivants :
- une absence de cessation des paiements de l’entreprises au moment de la saisine (définition disponible sur le site service-public.fr),
- une incapacité de l’entreprise à honorer ses échances de PGE en 2022,
- l’existence de perspectives commerciales et financières à même d’assurer la pérennité de l’entreprise.
2/ Situation des entreprises ayant bénéficié d’un ou plusieurs PGE d’un montant total supérieur à 50 000 euros : un point d’entrée unique. Elles doivent saisir le conseiller départemental de sortie de crise auprès des directions département des finances publiques ( CCSF et CODEFI).
Le conseiller départemental à la sortie de crise, lorsqu’il est saisi par le chef d’entreprise assisté de son expert comptable, peut orienter le chef d’entreprise vers quatre voies :
- la Médiation du crédit
- la CCSF
- le CODEFI dans le cadre des financements d’Etat ( prêts bonifiés…)
- le Tribunal de commerce avec les préventions amiables ou les procédures collectives (dont la procédure de traitement de sortie de crise applicable depuis septembre 2021)
Il faut préciser que la procédure de traitement de crise permettra d’obtenir des délais allant jusqu’à 10 ans pour le paiement des dettes (dont les PGE) et que le plan de remboursement de ces dettes devra être adopté dans un délai très court après l’ouverture de cette procédure (3 mois). La mention de cette procédure figurera sur l’extrait Kbis de l’entreprise pendant un an, et non pendant toute la durée de plan de remboursement (jusqu’à 10 ans).
Enfin, la réforme intervenue récemment permet la suspension des poursuites contre les cautions personnes physiques pendant toute la durée du plan de remboursement, et non comme précédemment pendant la seule période d’observation.
L’accord de place s’applique également pour les PGE de plus de 50 000 euros. Les entreprises devront ainsi fournir l’attestation d’expert-comptable ou de commissaire aux comptes mentionnée dans le premier paragraphe.
3 / Conséquences des restructurations des crédits bancaires (dont les PGE) pour les banques et pour les entreprises compte tenu des règles européennes.
Chaque restructuration de crédit pourrait entraîner pour la banque le classement du prêt en « prêt non performant » avec des conséquences défavorables pour la banque en ce qui concerne l’exigence des fonds propres (Bale II). La banque devra également ensuite effectuer une déclaration de défaut auprès de la Banque de France.
Cette déclaration de défaut implique que la cotation de l’entreprise par la Banque de France ne pourra pas être meilleure que la cote 4 (nouvelle échelle de cotation). Dans la plupart des cas, il y aura donc une décote. Il sera alors plus difficile pour cette entreprise d’obtenir de nouveaux concours ou le renouvellement de ses concours existants.
Ce déclassement ne sera pas connu des fournisseurs et des clients de l’entreprise, mais peut avoir des répercussions sur la cotation assurance crédit et donc sur les relations que les entreprises entretiennent avec leurs clients et fournisseurs. Ces conséquences devront être bien appréhendées par le chef d’entreprise avant de prendre sa décision de renégociation des plans de remboursement actuels des PGE.
Agnès Bricard, ambassadrice à l’intéressement et à la participation, vice-présidente Pacte PME et membre du bureau 2GAP
Source : entreprendre.fr