En hommage à Édouard Salustro
Il était toujours là bien installé au cœur de sa profession, toujours à l’écoute, toujours à son service. Nous avions de bonnes raisons de croire qu’il pouvait défier les lois naturelles et tracer ainsi un sillon sans jamais s’arrêter.
Sa disparition brutale vient mettre un terme à cette croyance pourtant fondée sur l’exemplarité et la permanence de l’action d’un homme au service de sa profession au point d’en devenir une sorte de conscience.
Édouard Salustro a composé sa carrière professionnelle comme un chef d’orchestre compose ses partitions avec une grande virtuosité, n’hésitant pas à jouer dans toutes les cours nationales, européennes ou internationales pour défendre les intérêts de sa profession. Afin de combler le vide immense qui s’est créé, nous devons désormais faire vivre sa mémoire et l’héritage qu’il nous laisse.
Diplômé d’expertise comptable en 1964, son premier engagement syndical le conduit à assurer la présidence de l’IFEC au cours des années 1972, 1977 et 1978.
Il est élu Président du Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables en 1979. Au cours de ses quatre années de présidence, il engage simultanément plusieurs chantiers qui s’avéreront déterminants pour l’avenir de notre profession.
En matière de doctrine comptable d’abord, il replace l’Institution au cœur des débats engagés au sein de l’ex-CNC sur les nouveaux principes comptables, les normes internationales et l’application de la loi comptable.
Homme de terrain, il marque également son action sur la pratique professionnelle avec notamment de nouvelles recommandations sur l’accomplissement des missions de l’expert comptable et le lancement du contrôle de qualité.
A l’international, il participe à de nombreuses manifestations (Etats-Unis, Canada, Afrique, Extrême-Orient, etc.) qui le conduisent à créer la Fidef en 1981. Quelques années plus tard, en 1987, il participe activement à la fondation de la FEE.
Enfin, sur les questions politiques et institutionnelles, plusieurs actions doivent être remarquées : le règlement du conflit entre la profession et les centres de gestion dits « sauvages », la création avec la CNCC d’un comité paritaire d’orientation afin d’instaurer des relations apaisées et développer une action concertée au plan national et internationale. L’Ordre sera même consulté à l’occasion de la nationalisation de nombreux groupes industriels et financiers.
Au cours de cette présidence, Edouard Salustro nous a joué les partitions d’un maestro. Il a nous a montré les véritables enjeux et les terrains sur lesquels il fallait les défendre. En défendant ses missions régaliennes, il a donné une nouvelle dimension à l’Institution offrant ainsi hauteur et visibilité à l’ensemble de notre profession.
Après cette parenthèse au service de l’institution, son action d’entrepreneur du chiffre au sein des cabinets où il a exercé a été également exemplaire.
Parallèlement, il assurait plusieurs mandats en qualité de membre du comité consultatif de l’ANC et du Comité consultatif d’orientation du Conseil de normalisation des comptes publics
Après avoir assuré, de 1999 à 2004, la présidence d’honneur de la section des finances du Conseil économique, social et environnemental, il préside également le groupe de travail sur les Normes comptables du Centre national des Professions financières.
Toutes les générations d’experts-comptables qui ont croisé son chemin professionnel en gardent un souvenir indélébile. A lui seul, il arrivait à incarner l’attractivité de notre profession que nous peinons encore à développer aujourd’hui. Son empathie naturelle et ses talents de pédagogue l’on conduit à accompagner de nombreux jeunes professionnels sur la voie du succès.
Au cours des dernières années, il s’est toujours montré disponible pour apporter sa contribution à la vie de notre profession. Il a su aussi nous montrer à de multiples reprises, juste avec sa plume, qu’il était un observateur brillant et éclairé de la vie politique, économique et sociale de notre pays.
Edouard Salustro a apporté à notre profession un rayonnement intellectuel unique. Aujourd’hui, à travers cet hommage je souhaite exprimer toute la reconnaissance que nous lui devons. J’adresse mes très sincères condoléances à son épouse, à ses enfants et à tous ses proches au sein de la grande famille comptable.
Agnès Bricard
Président d’honneur du CSOEC
« Hommage publié dans Le Cercle Les Echos le 14 novembre 2013 »