Interprofessionnalité : en marche !
Après de nombreux atermoiements législatifs et règlementaires, les conditions sont désormais réunies pour que les professionnels du chiffre et du droit réunissent leurs compétences au sein de structures (capitalistiques et/ou d’exercice) leur permettant de faire face à la concurrence au sein et au-delà des frontières de l’union européenne.
Si l’on veut dater le début d’un mouvement en faveur d’une interprofessionnalité capitalistique ou d’exercice, il faut remonter à la loi du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, reprise dans son principe dans la loi du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions règlementées.
Depuis la publication de ces textes, la mise en œuvre de l’interprofessionnalité n’a jamais pu être effective soit parce que les initiatives du législateur ne couvraient pas toutes les situations soit parce que le pouvoir réglementaire réduisait la portée de ces initiatives. La plus belle démonstration de cette situation résulte des décrets d’application de la loi du 31 décembre 1990, publiés en 2004, qui ont réduit l’objectif initial de la loi en limitant le recours aux Sociétés de Participations Financières de Professions Libérales (SPFPL) aux seuls membres d’une même profession. Il a fallu attendre la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques pour que l’association au sein d’une holding de professionnels libéraux exerçant une activité différente soit possible.
Pour autant, il manquait encore quelques briques à cette construction législative que la Loi Macron du 6 août 2015 est venue ajouter :
– l’alignement de la réglementation régissant les structures et la profession d’avocat avec celle des experts-comptables (possibilité d’exercer dans les sociétés commerciales de droit commun et de développer une activité commerciale accessoire, suppression de la règle d’unicité d’exercice qui empêchait les avocats d’accéder aux SPFPL) qui a été précisé par trois décrets du 29 juin 2016 ;
– la possibilité de constituer des Sociétés Professionnelles d’Exercice (SPE).
S’agissant de cette dernière évolution, les SPE de professions libérales permettent l’exercice de deux ou plusieurs professions parmi les neuf suivantes : expert-comptable (à l’exception de la profession de commissaire aux comptes), avocat, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire ou conseil en propriété industrielle.
Une série de décrets en date du 5 mai 2017 a précisé le régime des SPE de professions libérales juridiques, judiciaires et d’expertise comptable.
Désormais, l’interprofessionnalité tient debout sur ses deux piliers le capital et l’exercice !
Si les professionnels du chiffre et du droit ne manquent pas d’occasions de travailler ensemble sur de nombreux dossiers ils vont désormais pouvoir entrer dans une nouvelle ère pour développer des structures offrant des services globaux, dotées de moyens propres pour rivaliser avec les grands cabinets internationaux. À fin août 2017, 6 SPFPL sont inscrites au niveau national au Tableau de l’Ordre des experts-comptables et aucune SPE n’est encore inscrite, mais trois demandes d’inscription sont en cours d’examen.
Cette évolution des modes d’exercice nécessite une révolution culturelle au sein des cabinets qui souhaitent acquérir une dimension européenne ou internationale. La pratique d’une interprofessionnalité « technique » ou « de dossiers » au cours des deux dernières décennies, n’a pas permis de placer les cabinets français lancés dans la compétition aux meilleures places.
Aujourd’hui, les deux piliers de l’interprofessionnalité capitalistique et d’exercice permettent aux professionnels d’envisager dans un premier temps la constitution d’une holding (SPFPL). Ils pourront ainsi mettre en commun des moyens pour mieux se connaître et voir s’ils peuvent aller plus loin. Cette interprofessionnalité de capitaux laisse à chacun l’exercice de son activité avec ses Ordres, ses responsabilités, son secret professionnel, ses devoirs et ses obligations.
Dans la SPE, il faut cohabiter tout de suite. Plusieurs caps doivent être discutés, arbitrés avant d’être franchis :
– la tarification de l’assurance pluriprofessionnelle ;
– le secret partagé ;
– les risques de conflits d’intérêts ;
– la valorisation des différentes clientèles…
De plus, notamment dans les petites structures, l’association avec un avocat peut priver l’expert-comptable de l’apport d’affaires dont il bénéficiait avec d’autres professionnels juridiques.
Le passage en SPE est donc plus tactique, il nécessite un véritable affectio societatis pour un partage global d’exercice.
Le point de vue d’Agnès BRICARD à destination des jeunes professionnels
« Le conseil que je donnerais à un jeune professionnel serait de commencer son activité dans une SPFPL s’il souhaite bénéficier d’un effet de levier capitalistique, tout en restant autonome dans le cadre de l’exercice de son activité.
La SPE nécessite quant à elle une vision commune des professionnels autour du service global à apporter au client, qui est certes plus satisfaisante sur un plan intellectuel, mais qui demande la reconnaissance des compétences de l’autre et beaucoup de liant dans la vie de tous les jours. »
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« L’interprofessionnalité, un sujet d’actualité ? » du numéro spécial 70 ans ANECS de Septembre 2016
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