Intervention d’Agnès Bricard au Congrès national des Tribunaux de Commerce le vendredi 21 novembre 2008

Avignon 2008

L’intelligence comptable et financière pour les PME : un nouveau territoire de l’intelligence économique (IE).

L’intelligence économique est un enjeu des pouvoirs publics, notamment pour le soutien des activités stratégiques des PME. C’est un atout pour assurer la pérennité des organisations. Elle est donc indispensable au développement de l’entreprise.

Depuis 2005, les préfets ont une mission permanente d’IE et les trésoreries générales des finances se sont dotées de chargés de mission régional à l’IE (CRIE) qui relèvent de l’autorité du coordinateur ministériel à l’IE Cyril Bouyeure.

Le CRIE apporte aux entreprises une assistance en collaboration avec des experts-comptables pour définir et structurer une démarche d’intelligence économique, à savoir :

  • une veille (où chercher l’information ? Comment la valider ? A qui la diffuser ?),
  • la protection des informations et des actifs de l’entreprise (comment et auprès de qui les protéger ? Quels sont les services de l’Etat experts en sécurité ?),
  • une stratégie d’influence et de lobbying.

L’intelligence comptable et financière est aujourd’hui largement pratiquée par les grands fonds d’investissement et la plupart des banques d’affaires. Avec l’appui des experts-comptables il est possible de la mettre en place dans les PME.

Il est nécessaire de réduire l’incertitude à laquelle les entreprises sont soumises. A ce titre, j’ai proposé la création à partir du plan de comptes d’alertes professionnelles et la mise en place d’actions d’IE afin de sécuriser les entreprises. Il s’agit là du volet défensif de l’intelligence comptable et financière. Il existe également un volet offensif qui consiste pour les entreprises à saisir les opportunités de développement à partir d’une stratégie de veille structurée :

  • détection d’alliances (stratégie des concurrents),
  • détection d’activités de recherche et de développement,
  • détection des dépôts de brevets.

Tous les chefs d’entreprises sont concernés par cette démarche d’intelligence économique. Accompagnés de leur expert-comptable, ils doivent être capables de mettre en place en interne des alertes professionnelles fondées sur une cartographie des risques adaptée à :

  • leur secteur d’activité,
  • leur organisation (centralisée autour du dirigeant ou décentralisée avec la création d’échelons intermédiaires),
  • leur structure de financement,
  • la composition de leur actionnariat,
  • leur dépendance vis-à-vis des tiers.

Ils doivent également mettre en œuvre des actions d’intelligence économique permettant de réduire les risques auxquels ils sont exposés.

Ces alertes internes permettront d’anticiper réellement les difficultés des entreprises et ce ne seront que les accidents qui nécessiteront la mise en place des alertes externes telles que l’alerte légale du commissaire aux comptes ou l’alerte du tribunal de commerce.

Nous devons tous noter que les inscriptions de privilèges sur lesquelles s’appuient les tribunaux de commerce pour convoquer les chefs d’entreprises dans le cadre de leur mission de prévention sont vouées à disparaître. En effet, seule la moitié des 27 pays d’Europe les pratiquent encore. Par ailleurs, la crise telle que nous la connaissons aujourd’hui ne peut que précipiter plus rapidement les entreprises dans les dépôts de bilan, les inscriptions de privilèges étant des alertes trop rapides, les crédits étant immédiatement coupés par les banquiers.

D’autre part, le dépôt des comptes annuels au greffe du Tribunal de Commerce, également source d’alerte pour les tribunaux (perte de la moitié du capital, …) devrait également disparaître. Le secret des affaires tel qu’Alain Juillet nous l’a précisé devrait conduire à la suppression du dépôt des comptes annuels, à l’identique des pays anglo-saxons et de l’Allemagne par exemple.

Autrement dit, faire du plan de comptes un outil intelligent pour identifier et analyser de façon dynamique des indicateurs (sous capitalisation au regard de sa stratégie de développement et de ses investissements ou encore trop grande dépendance à l’égard d’un tiers) qu’il sera vital de savoir interpréter et anticiper permettra à l’entreprise d’assurer son développement pérenne sans attendre d’interventions externes susceptibles d’avoir du retard.

Un exemple de compte tel que le capital (compte 101) :

Une veille devra être assurée sur les statuts et les registres de titres ; une alerte professionnelle devra être mise en place sur la répartition égalitaire du capital, le risque identifié étant la dissension entre associés. Des mesures d’intelligence économiques devront être mises en place telles que la rédaction d’un pacte d’actionnaires, la souscription d’une assurance fonds de prévention pour remboursement des honoraires des accompagnants.

La généralisation d’un tel dispositif permettra de renforcer et de faire grandir les PME d’une part et de réduire les destructions de valeur liées aux dépôts de bilan d’autre part. Ce renforcement contribuera à la croissance économique de notre pays.

Agnès Bricard, ancienne présidente du CIP national, présidente du Club Secteur Public et en charge de l’Intelligence Economique au Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables.

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