Transmission d’entreprises : maitriser les enjeux de la garantie d’actif et de passif, source de conflits vendeur/acheteur

La transmission des entreprises peut s’effectuer sous la forme d’une cession des titres composant le capital social et non via une cession de fonds de commerce. Cette modalité forme de cession a souvent la préférence de l’acquéreur dans la mesure où le prix à payer est diminué des dettes de l’entreprise.

Les cessions de droits sociaux sont en général assorties d’une garantie d’actif et de passif, donnée par le cédant, incluse dans le contrat de cession ou signé concomitamment dans un acte distinct.

L’attention des cédants doit être appelée sur les 5 points clés attachés à cette garantie contractuelle. L’expert-comptable comme l’avocat sont les interlocuteurs privilégiés des cédants pour préserver leurs intérêts.

1. L’objet et l’étendue de la garantie

La garantie du cédant peut porter sur le seul passif, parfois même être limitée au passif fiscal et social et/ou litiges. Au demeurant il est de l’intérêt mutuel du cédant et de l’acquéreur, d’avoir une vision lucide des risques fiscaux et sociaux. Aussi, un audit fiscal et social préalable à la cession portant sur les trois dernières années apparait-il souhaitable pour sécuriser la cession de titres.

L’activité de la société cédée peut susciter la comptabilisation de charges ou produits constatés d’avance, à l’instar des contrats annuels (contrats de maintenance ou de location) dont la périodicité ne coïncide pas nécessairement avec l’exercice social de l’entreprise. Toute erreur ou imprécision dans l’évaluation de ce poste peut entrainer la mise en œuvre de la garantie de passif.

Lorsque la garantie couvre également l’actif, le cédant a intérêt à préciser si les immobilisations sont ou non incluses dans le champ de cette garantie. Il est alors judicieux d’en établir un inventaire contradictoire et de faire acter l’accord de l’acquéreur sur les taux d’amortissement pratiqués ayant une influence directe sur la valeur nette comptable.

Le cédant doit veiller aux possibilités réelles de recouvrement de son poste client et à l’adéquation du niveau des provisions avec les risques de non-recouvrement des créances-clients. Pour les créances anciennes non recouvrées et non provisionnées, une règle doit être définie entre les parties pour apprécier la date à compter de laquelle une créance est réputée irrécouvrable.

Dans les groupes de société, une attention particulière doit être accordée aux créances sur les filiales sans oublier la valeur comptable des titres de participation.

2. La durée de la garantie

La garantie de passif est d’une durée au moins égale à celle de prescription du passif social et fiscal soit 3 années et l’année en cours. En revanche, la garantie d’actif peut avoir une durée moindre. Elle est souvent d’une année ce qui signifie qu’au-delà, toute diminution d’actif constituera une perte enregistrée dans les comptes de la société, sans recours de l’acquéreur contre le cédant.

3. L’amplitude de l’engagement financier du cédant

Traditionnellement, une garantie d’actif et de passif contient un « plancher », c’est à dire un seuil de déclenchement avec ou sans franchise. Dans le premier cas, lorsque le seuil est dépassé, la garantie joue au premier euro. Dans le second cas, elle n’intervient qu’au-delà du montant constituant alors une zone d’exonération contractuelle.

Symétriquement, le contrat de garantie inclut un « plafond » pour éviter que le cédant ne soit exposé pour un montant supérieur au prix de cession qu’il a perçu. Son niveau varie souvent entre 10 et 30 % du prix de cession.

En toute hypothèse, la détermination de ces seuils importants requiert du cédant une juste appréciation du niveau des risques, provisions, et du niveau de recouvrement des créances clients.

4. Une exigence d’information pour le cédant

Si l’acheteur estime être fondé à mettre en œuvre la garantie, il doit impérativement informer le cédant et lui communiquer en temps opportun les éléments utiles pour apprécier la légitimité des revendications exprimées par les tiers ou par l’acquéreur conformément aux stipulations de la garantie. A défaut le cédant sera fondé à contester la mise en jeu de la garantie.

5. Les recours en faveur de l’acquéreur

Il peut se prévaloir de tout manquement du cédant à son obligation de loyauté, laquelle si elle apparaît intentionnelle peut constituer un dol permettant à l’acquéreur de poursuivre le cédant en dommages et intérêts, voire de réclamer la nullité de la cession.

L’acquéreur peut aussi tenter de mettre en cause la responsabilité de l’ancien dirigeant sur le terrain pénal en déposant plainte contre son prédécesseur pour présentation de bilan inexact, infraction prévue et réprimée par l’article L.242-6 du Code de Commerce. C’est à ce titre qu’il pourra faire appel à la garantie RC mandataire social si celle-ci a été souscrite en sa faveur par la société dans les titres ont été cédés.

Pour dissuader l’acquéreur d’agir ainsi et protéger le cédant, l’acte de cession doit être rédigé avec un soin particulier justifiant la présence à ses cotés d’une équipe pluridisciplinaire expert-comptable/avocat autour du cédant. Il faudra annexer à la garantie d’actif et de passif les méthodes d’évaluation retenues, la liste exhaustive des litiges éventuels ou toute information relative aux méthodes de comptabilisation retenues afin d’éroder ces risques de contentieux éprouvants psychologiquement le cédant d’autant que le dernier doit assurer lors de sa mise en cause les coûts à titre personnel.
 
 
Agnès Bricard
Expert-comptable, Commissaire aux comptes
Bricard, Lacroix & Associés

Jacques Varoclier
Avocat à la Cour
VAROCLIER Avocats

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