Jeudi 28 mai – « Les femmes veulent le pouvoir de décider » Lettre adressée à Monsieur le Président de la République par le Collectif Gender and Governance Action Platform « 2GAP »

Monsieur le président de la République,

La crise mondiale que nous traversons nous conduit, de façon plus urgente que jamais, à repenser notre façon d’agir, de gouverner et de vivre. Or, nous ne relèverons pas ce défi mondial sans la participation effective des femmes aux prises de décisions. Comme l’a rappelé, le 27 février dernier, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres : « L’égalité des sexes est une question de pouvoir… Nous sommes face à un abus de pouvoir qui porte préjudice à nos communautés, à nos économies, à notre environnement, à nos relations et à notre santé. Nous devons de toute urgence transformer et redistribuer le pouvoir si nous voulons préserver notre avenir et notre planète. » On ne peut attendre plus longtemps !

Alors que les femmes sont aujourd’hui aux avant-postes, qu’elles s’exposent au risque dans des métiers peu valorisés et mal rémunérés, de façon caricaturale elles sont quasi-absentes de la gouvernance publique comme privée, et disparaissent dès qu’il s’agit de penser et piloter la crise et le monde de demain. Les hommes continuent à succéder aux hommes.

« Une égalité des sexes réelle et nécessaire »

C’est pourquoi, les réseaux professionnels féminins et mixtes des secteurs public et privé conjuguent leurs énergies et sont désormais constitués en collectif mondial Gender and Governance Action Platform (2GAP), avec une première branche nationale en France, de près de quarante réseaux représentant plusieurs dizaines de milliers de femmes et d’hommes. Nous sommes déterminés à agir pour permettre à notre société d’avancer rapidement vers une égalité des sexes réelle et nécessaire. Une égale présence des femmes et des hommes au sein de la gouvernance, à tous les niveaux, contribuera à créer le monde de demain.

Les lois Sauvadet, Copé-Zimmerman, l’index de l’égalité femmes-hommes, ont permis des avancées et des prises de conscience. Néanmoins, les résultats de 2019 démontrent des résistances considérables. Pour ce qui concerne les dirigeants publics, les résultats sont consternants : 33 % de primo-nominations de femmes pour les postes de direction et de cadres dirigeants, alors que la loi impose 40 %. Quant à la loi sur la fonction publique d’août 2019, elle n’a pas permis d’avancer sur le partage de la gouvernance entre les femmes et les hommes.

Sur le pilotage des politiques publiques, nous demandons que la loi organique des finances publiques intègre l’égalité, en premier lieu l’égalité femmes-hommes, comme principe transverse de construction du budget de l’État et des collectivités.

Pour ce qui concerne le secteur privé, les femmes représentent seulement 14,7 % des postes dans les entreprises du CAC40 et 2,5 % des postes de PDG des grandes entreprises. Les lois n’ont eu aucun effet sur la parité dans les entreprises non cotées et encore moins dans les comités exécutifs et de direction qui sont les réelles instances de gouvernance des grandes entreprises.

L’élaboration d’une loi sur l’égalité femmes-hommes dans la vie économique est prometteuse. Un quota de 40 % de femmes dans les Comex constituera un levier important afin que les femmes accèdent enfin aux responsabilités au sein des entreprises. Nous considérons l’adoption de cette loi comme une mesure impérative et minimale de sortie de crise. Ces mesures devront être adaptées et applicables au secteur public.

« Les femmes compétentes sont là »

Il n’y a ni maladresse, ni coïncidence dans la quasi-absence de femmes dans les débats et publications proposant de « raconter le monde d’après », comme dans les comités nationaux d’experts chargés de piloter la crise actuelle et de penser ses lendemains. Ce sont les symptômes d’un monde dont nous ne voulons plus, et dont vous affirmez ne plus vouloir, comme l’illustre la grande cause de votre quinquennat : l’égalité femmes-hommes. Lors de votre allocution du 13 avril dernier, vous nous avez invités à « sortir des sentiers battus », à « bâtir un autre projet dans la concorde ». Notre collectif demande à être pleinement associé à cette réflexion et à ce chemin. Les femmes compétentes sont là. Les résistances considérables également. Sans action résolue, le pays n’avancera pas. Pour l’aider à surmonter cette crise tragique et inédite, des mesures fortes, sur le partage de la gouvernance entre les femmes et les hommes, sont indispensables très rapidement. C’est le moment ou jamais de créer une nouvelle dynamique, une réelle solidarité, de nouveaux réflexes, des innovations sociales, économiques et politiques.

Le collectif Gender & Governance Action Platform (plateforme pour l’égalité hommes femmes)
Signature du courriel :

Retrouvez le texte sur le site du quotidien OuestFrance

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