MAI 2022 – LES DIVIDENDES SALARIÉS SERONT UNE ÉVIDENCE DANS 10 ANS – Une interview du magazine « la profession comptable »

Un entretien avec Agnès Bricard rapporté ici avec l’aimable autorisation de la revue La Profession comptable

LPC : Agnès Bricard : Vous venez d’être nommée ambassadrice à la participation et à l’intéressement avec Thibault Lanxade et François Perret. Quels sont les objectifs de cette mission ?

Agnès Bricard : Nous avons 3 objectifs : dynamiser le pouvoir d’achat, renforcer l’intérêt commun entre les salariés, les employeurs et les actionnaires pour la performance de l’entreprise et mettre l’épargne salariale au service du financement de l’économie.

LPC : S’agit-il de réformer la participation ou l’intéressement ?

Agnès Bricard : Pour l’instant la participation reste obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés seulement et l’intéressement est facultatif. La philosophie générale est de développer le concept de « dividende salarié » qui est nouveau mais qui deviendra, j’en suis convaincue, une évidence dans 10 ans.

Rappelons les données : l’épargne salariale c’est 21 milliards d’euros (9 pour la participation, 8 pour l’intéressement
et 3 pour l’abondement) alors que les dividendes représenteraient 66 milliards d’euros. En termes de « stock », l’épargne salariale représente 160 milliards d’euros alors que l’assurance vie est de 1 800 milliards d’euros. On voit bien que l’épargne salariale est encore très faible.

LPC : Comment expliquer ce manque d’intérêt et que faut-il faire ?

Agnès Bricard : Il faut favoriser l’intéressement en rendant sa mise en œuvre plus facile. Déjà, la loi du 17 juin 2020 permet, pour les TPE de moins de 11 salariés, la DUE

– Décision unilatérale de l’employeur
– pour la mise en place d’un intéressement au sein de son entreprise pour une durée comprise entre 1 et 3 ans mais le
renouvellement nécessite un accord d’entreprise ce qui nous semble être une source d’incertitude.
Notre première mesure (cf. ci-dessous) est de demander à ce que le renouvellement puisse également se faire par cette décision unilatérale.

La deuxième mesure que nous proposons est d’élaborer un accord-type simplifié d’intéressement, applicable à toutes les TPE, en recto-verso avec un modèle simple de calcul = un % sur le bénéfice comptable et un critère de répartition, le temps de présence au cours de l’année. Nous demandons également (3ème mesure) la suppression de toute obligation administrative de dépôt de ce contrat ; cette obligation de contrôle devient inutile dès lors que l’accord-type aura été validé en amont.

LPC : Sur un plan fiscal, quel allègement pour faciliter l’intéressement ?

Agnès Bricard : Notre 4ème mesure est de supprimer les prélèvements sociaux actuellement pratiqués à hauteur de 9,70 % (CSG-CRDS) ; les montants versés au titre de l’intéressement resteraient soumis à l’impôt sur le revenu si

les bénéficiaires souhaitent les percevoir immédiatement plutôt que de les laisser 5 ans sur un plan d’épargne.

LPC : Quel accueil est réservé à l’ensemble de vos propositions ?

Agnès Bricard : Sur l’aspect financier, ce dispositif d’intéressement risque, à court terme, d’être concurrencé par la Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) dont le Président a annoncé un triplement (exonération des charges sociales mais également exonération de l’impôt sur le revenu). Mais nous devons continuer à oeuvrer pour que les branches professionnelles agréent des accords-types d’intéressement pour les entreprises de moins de 50 salariés. 9 branches professionnelles l’ont déjà fait depuis 2019.

Nous continuons les rencontres avec d’autres branches professionnelles. Nous constatons qu’il y a encore des réticences à la fois de la part des employeurs qui hésitent face à des dispositifs qui les engagent et du côté des salariés qui privilégient les accords sur les salaires qui sont d’application plus immédiate et plus régulière.

C’est un peu décevant car il apparaît que ce concept d’intéressement aux résultats de l’entreprise ne fait pas encore partie de l’ADN des syndicats salariés.

LPC : Quelle place pour la profession comptable dans cette perspective ?

Agnès Bricard : La première étape est bien évidemment que la profession comptable signe son propre accord de branche. Au-delà, la tâche de la profession est d’informer et de convaincre leurs clients et notamment les dirigeants
de TPE.

Ce concept de dividendes salariés sera probablement l’un des éléments forts de la campagne présidentielle et à titre personnel je suis convaincue qu’il va s’imposer.

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